Salut Christian,



A la suite de la discussion sur la vie intérieure, je t’envoie quelques liens à propos du mouvement minimaliste. Ce n’est pas le mouvement artistique de l’art minimal, mais un mouvement culturel contemporain, directement inspiré du zen mais adapté au mode de vie occidental. Depuis quelques années il se répand assez vite sur internet, et je vois aussi pas mal de gens autours de moi qui mettent en places quelques principes. Dans le principe ca ressemble pas mal à ce qui a émergé en France autours de la décroissance (qui est la suite de l’écologie profonde), sauf que la décroissance est plus vu comme un mouvement collectif et directement politique (et puis y’a une histoire spécifique en France avec différents courant, perso j’avais beaucoup suivi au lycée la versions « décroissance de gauche » autours de Paul Ariès et Serge Latouche, avec le journal « le Sarkophage »). La différence là c’est que c’est plutôt accès sur un aspect mode de vie souhaitable plutôt que comme lutte politique, et que c’est dans une optique individuelle. Au canada il y avait le mouvement autours de la « simplicité volontaire », ca ressemble en effet à une refonte de ce mouvement (et puis évidement il y a un tradiction de simplicité au travers de courants religieux qui est elle très ancienne).



Blogs minimaliste au pif (mais y’en a pas mal). Si tu fait une recherche sur Youtube aussi y’a plein de podcast.

https://espritminimaliste.com/sommaire/

http://www.lanifeenlair.com/post/minimalisme-mode-eveil



La lame de fond de ce mouvement, qui c’est vrai agit aussi comme une sorte de tendance, plus que n’as pu l’être la décroissance par ex, c’est de faire le vide, et de réduire. Ainsi, comme principe de base, qui ont été mis en avant par des livres sur le sujet il y a :



Désencombrer

Faire le ménage chez soi, jetter ou donner les vêtements qu’on utilise pas, faire de la place. Il y a l’idée que l’espace domestique est similaire à l’espace mental. Si on ne range pas chez soi, alors sa tête aussi est encombrée. Il s’agit d’avoir peu d’objet mais de bonne qualité (en tout cas de valeur quelle qu’elle soit).


100 objets

Il y a par exemple ce défi de vivre avec au maximum 100 objets (ou plus ou moins, mais faut se fixer un seuil). Ca oblige à jetter et à accorder une valeur aux objets que l’on possède. Cela veut dire aussi que si l’on achète un objet, ca suppose d’en jetter un autre, on prends en fait en compte ce qu’on possède, mais aussi ce qu’on ne possède pas, en tentant de trouver le bon équilibre.


Libérer le temps

Ce qui est fait avec l’espace domestique est aussi encouragé pour l’espace sociale et temporel. Ainsi, on peut aussi libérer du temps, par exemple en ne regardant pas la télé ou l’ordi, en travaillant moins (puisqu’on a moins besoin d’argent), en priviligiant un cercle d’ami plus restreint aussi si on a trop d’obligation sociale. Il s’agit d’avoir plus de temps libre.


Econologie

Ce mode de vie, faire mieux avec moins, propose de diminuer son rapport l’argent. En faisant par soi même (faire sa propre lessive, dentifrice etc.), et en réduisant sa consommation, non seulement c’est plus écologique, cela permet de reprendre possession de ses objets, mais en plus cela fait gagner de l’argent, et donc cela permet de moins travailler, et donc de libérer du temps libre pour autre chose. Si il y a jouissance dans ce mode de vie par réduction, alors cela cré un cercle vertueux qui est vécu comme une libération et pas comme une contrainte. En achetant et consommant mieux, on redore la valeur d’usage de ce que l’on fait ou achète, et on libère du temps aliéné. Ce temps est alors utilisé pour, par exemple, tenir un blog sur le sujet, ou écrire un livre que l’on vouloir vendre depuis le blog, ce qui peut être explique cette forme de contagion rapide.


Zero déchet

Un livre est souvent cité aussi, à propos du zéro déchet. C’est un mouvement qui fait quand même pas mal d’émule, puisque par exemple j’ai assisté à une conférence à Shanghai sur le zéro déchet… pour les bars (ce qui est quand même très ciblé). Le principe est simple, faire sans emballage, c’est à dire prendre tout en vrac, acheter sur le marché, recycler ce qui peut l’être, faire du compost et faire en sorte de n’avoir aucun déchet pour l’alimentaire, et donc aucune poubelle. Ca paraît assez difficile aujourd’hui mais en fait c’est vrai qu’en ne consommant que des produits de base ca se fait.


Tiny house

Pour l’habitat il y a les Tiny House, ce sont des sortes de petites maisons mobile home qui peuvent être déplacé facilement. Ca coute moins cher qu’un habitat classique et ca permet d’être propriétaire, et de se déplacer au besoin.


Tiny House

https://tinyhousefrance.org/



Décroissance personnelle

Pus discrètement, il y a la possibilité de faire une sorte de décroissance au niveau de la psyché, par exemple et ayant moins d’attente, en recherchant moins la reconnaissance ou la réussite. C’est la question de l’égo qui est posé ici. Cela permet d’avoir du temps pour soi également. C’est en fait et surtout pour moi, parce que au fond c’est ca qui m’intéresse, un autre rapport au temps. Le minimalisme, en libérant l’espace et le regard, permet aussi de focaliser son attentions ailleurs (par exemple avec le slow art, il s’agira de bien prendre le temps de regarder des œuvres d’art), et de se protéger de l’hyperstimulation (surtout si l’on y est très sensible). Comme si on était addict au trop de stimulation et qu’il y avait besoin de faire comme un sevrage.



Numérique

Vu qu’on passe beaucoup de temps sur internet, il y a l’idée de se protéger de ça, de désactiver tout ce qui est notification, mail, téléphone voire carrément de ne pas avoir internet. Les concepteur de facebook par exemple fond exprès de penser leur inetrface pour que l’on perdre du temps et de l’attention (comme pour tf1 du « temps de cerveau disponible »). Il y a ainsi un ancien concepteur de Google qui tente de créer un mouvement et label de design « ethic by design », qui promet de ne pas gaspiller l’attention des usagers.


http://maisouvaleweb.fr/ethics-by-design-il-y-a-urgence-le-12-mai-a-lens-lyon/




Fonctionalisme

Il ne s’agit pas forcément de réduire pour réduire, il s’agit de se débarrasser de ce qui est inutile voire néfaste (et il est considérer que l’espace vide c’est souvent mieux qu’un objet inutile). Par exemple il est conseillé d’avoir un espace domestique fonctionnel, afin de ne pas perdre de temps avec les tâches ménagère ou la cuisine par exemple. C’est peut être là une différence d’avec le militantisme de la décroissance qui proposait comme tout mouvement radical de prendre prioritairement en compte la dimension politique et écologique. Avec le minimalisme, la dimension du temps gagné et du plaisir rentre aussi en compte (ainsi par exemple il y a des recettes minimaliste, qui sont pensées en fonction des aliments, mais aussi en fonction du temps et de la praticité). Il y a donc une sorte d’écologie du temps et des désir, mais sous sa forme fonctionnaliste dans ce mouvement, fonctionnalisme dont je me méfie (car c’est aussi une épuration qui enlève toute aspérité), mais qui est un moyen de se défendre, de contrôler son énergie pour ne pas la perdre dans les tâches du quotidien, et la canaliser dans ce qui a de l’importance pour soi. En effet, comme tu a vu, j’aime les entrepôt et espace avec plein d’objets en désordre que l’on peut réassembler dynamiquement. Mais je me dis que cela vaut pour un certain espace de travail et de création, et qu’il peut être bon d’avoir en balance des espaces de vie plus tranquilles pour se reposer et se protéger des influences non souhaitées.



Toutes ces propositions se ramène à un idéal zen ou ascétique, taoïste, voire inspiré de Thoreau mais qui essaime au sein des classes moyennes occidentale, et sans l’aspect ésotérique comme avais pu le faire le new age, et en priorité appliqué à l’espace domestique et privé. Alors après est ce que ca durera ou pas, j’en sais rien, parce que déjà il y a en germe un certain travers de ce que l’on trouve autours du développement personnel, une sorte d’ascétisme mais dans le but de faire du profit (ainsi il y a un youtubeur minimaliste, Olivier Roland qui défend ce point de vue), il y a donc tout un spectre puisque ce qui est mis en avant est d’abord un certain contrôle de soi au travers de la réduction. C’est pour ca que pour moi il s’agit là, dans une perspective marxiste, de se réapproprier les « moyen de réduction ». Et c’est d’ailleurs tout le paradoxe lorsque ce mode de vie tente de se vendre, au travers de bouquin par exemple, ou de boutique estampillées « minimaliste ». C’est donc un mouvement qui d’un côté critique la consommation, mais en restant dans un cadre individualiste voir libéral et qui n’intègre pas la conception de la lutte de classe (mais après tout pourquoi pas). C’est comme si ce mouvement remettait au centre la valeur d’usage contre la valeur d’échange, e qui alors transforme les dynamiques de possession (je crois que c’est aussi ce qui est défendu par Michéa, proche de ces courant).


Olivier Roland - Riche et minimaliste et heureux

https://www.youtube.com/watch?v=5dw7FY0GCwg



On peut le rattacher aussi au mouvement « slow » qui revendique la lenteur (et qui a ses déclinaisons, à la base slow food, puis maintenant slow life, slow city, slow sex… et slow science, slow education et slow art, qui , voire par exemple la charte de la desexcellence), avec ses convention comme la Société pour la décelerration du temps en Belgique. Ca pourrais se rapprocher aussi de ce que certain ont appelé les « créatif culturel », qualifié à tord de bobo, sorte de gauche pacifiste qui tente de mettre en place localement des manière de vivre autours des circuit court, vélo, bio, monnaies locale, etc. c’est des forme de mutualisme à la Proudhon. C’est aussi lié à cette sorte d’économie de visibilité de blog, ou des gens sont rémunérés à travers leur blog, et en profitent pour être très nomade et voyager. Ou alors autours de trucs comme ouishare, sur l’économie collaborative (et co-consommation, auto-partage, entraide entre voisin, avec le risque que ca se transfrome en start up). Enfin comme tu vois il y a tout un spectre entre militantisme individuel et autoentreprenariat, plus ou moins récupérable, mais qui en tout cas semble s’opposer à un certain modèle industriel.



Mouvement de la desexellence

https://pds.hypotheses.org/1968



C’est donc un mouvement qui me plaît pas mal, notamment sur la question du temps libre, de la réduction, dans ce principe du vide qui permet de laisser la place à autre chose, et de se protéger de logiques mercantile. Cela me fait pas mal penser au principe des 3 écologies de Guattari. Il ne s’agit pas d’être minimaliste à vie, je lisais un blog qui disais que on pouvait avoir un mode de vie minimaliste pendant un an par exemple, histoire de faire le point, et ensuite d’avoir un peu de marge et d’acheter plus d’objet, mais c’est plus à voir comme une étape, comme un jeûne, qui permet d’avoir un peu de recul avant de faire des choix en conscience.





A mercredi 14h
Mail envoyé à Christian Le 7 mai 2018